J’ai beau avoir arrêté d’enseigner le FLE, je suis toujours intéressée par la question, notamment les conditions de travail à travers le monde et les contextes d’enseignement. La série “Enseigner le français à l’étranger” s’enrichit aujourd’hui d’un nouveau témoignage : enseigner le français en Afrique !
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Anaïs, j’ai 27 ans, et j’aime bien me présenter comme une prof un peu couteau suisse, parce que j’ai très peu eu uniquement une charge d’enseignement comme travail, mais que je gravite dans le milieu à différents degrés à chaque fois. Je pense pouvoir dire que je suis curieuse et j’aime bien trouver toujours de nouvelles idées pour ne pas refaire deux fois la même chose !
Un résumé de ton parcours professionnel ?
Depuis le lycée je veux avoir un travail qui soit à la fois ouvert sur les autres, sur l’international et qui touche à la langue française. J’ai pourtant choisi d’abord une voie classique, avec des études de lettres, pour ensuite suivre un master FLE. J’ai enseigné dans des associations comme bénévole en France, comme stagiaire en coopération linguistique à l’ambassade, été responsable d’une structure liée à Campus France en VI (volontariat international), responsable d’une Alliance française annexe et finalement maintenant je suis directrice des cours en Alliance Française.
Qu’est-ce qui t’a attiré à partir enseigner le français en Afrique la première fois ?
A l’origine, je voulais travailler sur les questions de français langue seconde et langue de scolarisation. Malheureusement, mon premier stage, prévu au Burundi, a été annulé. J’en ai donc trouvé un dans un autre contexte, au Bénin, en Institut Français. Et ça a fait évoluer le projet, finalement, sur tout autre chose, puisque j’y ai pris goût et que je n’ai plus vraiment quitté le réseau depuis lors.
Et pourquoi es-tu retournée en Afrique ensuite ?
J’ai aimé la chaleur de l’accueil reçu au Bénin, et les défis professionnels comme quotidiens que j’y ai rencontrés. C’est un continent sur lequel la bricole est reine, on peut se débrouiller pour faire des choses avec peu de moyens, donc tout est possible! Le cadre est moins rigide, le champ des tentatives pour enseigner le français en Afrique est toujours ouvert, même si parfois ça prend tout l’énergie de ceux qui s’y impliquent.
Quelles sont les spécificités du public ?
En fait, j’ai eu des publics très différents dans chacun de mes postes: au Ghana, dans une université, il fallait motiver des étudiants très peu concernés par leur classe et réfractaires aux changements et à la modernité; en Ouganda, à l’université, très peu de matériel était disponible (même pas d’électricité ni forcément de tableau dans la classe), donc il faut prévoir, concevoir et motiver en fonction; dans les deux cas, les classes étaient très grandes, avec parfois jusqu’à une quarantaine d’apprenants, ce qui en fait un public plutôt difficile à enthousiasmer. J’avais aussi des étudiants plutôt scolaires, qui cherchaient surtout à répéter et à mémoriser qu’à comprendre la logique interne et à mettre en pratique : à chaque fois, il nous fallait donc à tous une capacité d’adaptation importante.
Quels sont les défis au quotidien ?
On ne sait jamais de quoi demain sera fait, ce qui est à la fois extrêmement positif, puisqu’on redécouvre de nouvelles choses d’un jour à l’autre, que rien n’est figé et que donc rien n’est perdu d’avance définitivement, mais aussi parfois fatiguant, puisqu’on peut avoir du mal à prévoir quoi que ce soit. Des problèmes interculturels se posent aussi sur des questions de ton, de façon de s’exprimer, et peuvent porter à confusion. Mais chacun avance de son côté et rien n’est insurmontable.
Comment s’est passé ta transition de prof à responsable pédagogique ?
Je n’ai jamais été que prof, alors finalement, ça a été assez progressif : pour mon premier long stage, j’avais des missions de coopération assez larges, avec de la veille et de la coopération universitaire, ensuite j’ai eu des responsabilités de management, de coordination d’un laboratoire de langues et d’une médiathèque, et puis ensuite la responsabilité du centre de langues et d’examens: toutes les étapes se sont finalement ajoutées les unes aux autres dans une forme de cohérence, j’ai essayé d’en tirer à chaque fois des leçons et ainsi de toujours progresser… J’espère que les profs reconnaissent cependant toujours la prof qui sommeille en moi et savent l’identifier dans ma façon de faire.
Quel est ton outil indispensable dans l’enseignement du FLE ?
Pour la classe, je dirais les jeux ! Je suis friande de jeux moi-même comme personne, donc j’aime beaucoup partager ça avec mes étudiants. Tout peut y passer, tout peut être un prétexte, et ça reste un bon moyen de briser la glace avec des groupes un peu timides également.
Un conseil pour de futurs profs de FLE ?
Explorez, renseignez-vous, fouinez pour trouver ce qui vous convient vraiment ! Toutes les informations sont bonnes à prendre, et ensuite seulement il faut les trier, les séparer et les faire parler. Toutes mes expériences n’ont pas été positives, mais elles m’ont toutes appris quelque chose de différent. Je pense qu’il faut aussi établir clairement ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas cependant : ça n’est pas parce qu’il faut être curieux que ça veut dire que tout doit être fait. Les réseaux sont importants, que ce soit sur Facebook ou LinkedIn, ou une fois que vous avez une première expérience, s’appuyer sur d’autres personnes est toujours bénéfique.
Merci pour cette invitation en tout cas, je suis heureuse de représenter l’Afrique dans cette rubrique, et j’espère y être rejointe par d’autres rapidement !
Cet article est un témoignage. Vous pouvez contacter la personne qui vous intéresse si ses informations de contact sont précisées dans l’article. Ce n’est pas la peine de m’envoyer un message, je ne serai malheureusement pas en mesure de répondre à vos questions.
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1 comment
Chouette, le retour de cette rubrique 🙂
Merci pour ce témoignage et cette découverte de l’enseignement du FLE (et autres) en Afrique. Rares sont les retours d’expérience sur cette partie du monde.