C’est le retour de la rubrique “Enseigner le français à l’étranger” ! Aujourd’hui, on va parler de l’Asie et plus précisément d’enseigner le français en Corée du Sud. Peut-on enseigner le français en Corée sans diplôme ? Peut-on vivre en Corée sans parler coréen ? On va répondre ensemble à toutes ces questions grâce à mon invitée Clarisse.
Que dire ?! J’ai dû me plier à l’exercice de la présentation pour le site de l’école où je viens de commencer à travailler. J’ai mentionné le Mont Saint Michel, les châteaux de la Loire, mon goût du voyage et mon côté foodie. Je suis désormais un peu à court d’idées ^^
Une petite présentation ?
Où as-tu enseigné ? Où es-tu actuellement ? Comment es-tu arrivée là ?
J’ai enseigné le français en Corée du Sud, aux États-Unis et en France. Et ce mois-ci, j’entame une nouvelle aventure professionnelle au Japon, en plein centre de Tokyo.
Des fois, je me demande aussi comment j’en suis arrivée là ^^ mais je pense que mon travail et mon investissement dans les missions et les responsabilités qu’on m’a confié ont porté leurs fruits. J’ai eu la chance d’être soutenue et de ne pas me poser de limites, je souhaitais aller aux États-Unis et j’ai trouvé un moyen de le faire. Quand j’ai voulu me diriger vers l’Asie, j’ai saisi une opportunité, quand mon seul objectif était de retourner enseigner le français en Corée du Sud, malgré les difficultés, je n’ai pas baissé les bras. Évidemment, j’ai aussi gardé les pieds sur terre et préparé quelques plans B.
Pour ce qui est de mon dernier projet, j’ai décroché mon nouvel emploi de professeur au Japon en répondant à une annonce en ligne et en passant des entretiens avec le directeur de l’école ; sur mes motivations, connaissances, projets, et dans un second temps j’ai dû réaliser un cours de démonstration via Skype.
Pourquoi as-tu décidé de devenir prof de FLE ?
C’est une idée qui avait commencé à émerger dans mon esprit à la fin du lycée. J’envisageais déjà à l’époque de vivre à l’étranger ; mon rêve c’était les États-Unis, j’étais déjà passionnée par la langue anglaise et la culture populaire américaine. Cet intérêt pour le contenu culturel a été une vraie révélation dans mon apprentissage et ma motivation. Et je m’étais dit que peut-être je pourrais véhiculer ça pour la langue française.
Une fois en fac d’anglais, j’ai trouvé les cours de traduction très intéressants, c’est un exercice qui me plaisait beaucoup malgré la difficulté (et le mépris des profs). J’ai envisagé de partir dans cette voie, dans le sud de la France une université proposait même un master spécialisé dans l’audio-visuel. Mais comme on l’entend souvent “c’est bouché comme voie” et il est dans la plupart des cas demandé de maîtriser une seconde langue vivante. J’avais complètement abandonné l’allemand… Il n’était donc pas réaliste de me lancer dans ce domaine.
À la fin de ma seconde année de fac, j’avais besoin de partir : j’ai tenté une année universitaire aux États-Unis, la compétition fut rude et mon dossier n’est pas passé. Nouvelle déception mais je me suis finalement tournée vers un programme d’assistanat dans ce même pays. C’était l’occasion de mettre les pieds dans le plat et voir si l’enseignement me plairait vraiment. Un an plus tard, j’étais fixée ! Oui, l’enseignement me plaît, pas nécessairement le système d’immersion, mais j’ai donc défini mon projet professionnel tout en réalisant mon rêve de partir aux États-Unis. Et au fil des stages et expériences, je n’ai pas instant repensé à mon choix de carrière.
Tu as adoré enseigner le français en Corée. Quelles sont les spécificités du public coréen ?
Le public coréen
On lit souvent beaucoup de choses sur la supposée timidité des cultures asiatiques. J’aurais du mal à qualifier les Coréens de timides ; évidemment au premier cours les étudiants ne sont pas très loquaces, mais même avec mes débutants j’ai réussi à rapidement les mettre à l’aise. J’ai bien sûr vu des étudiants un peu timides, j’ai fait peur malgré moi à quelques étudiants à l’université. Et j’ai aussi eu des étudiants très réactifs, qui ont pris l’initiative de venir me parler pendant les pauses, dans les couloirs, avec l’envie de communiquer en français dans un cadre différent du cours. Je dirai que de manière générale, introvertis ou extravertis, les Coréens sont curieux.
Autre point important, qui a un impact plus ou moins fort en classe en fonction des apprenants, la culture confucianiste teinte toujours les échanges. L’image se maîtrise, la hiérarchie colore parfois la prise de parole ; le rôle de médiateur du prof de FLE est important pour rappeler que le cadre de la classe est un peu différent, que l’on peut exprimer son opinion sans crainte, que le débat est encouragé et que les erreurs ne sont pas graves. Grâce à mon parcours aux États-Unis, j’avais bien intégré tout le champ lexical de la dédramatisation et de l’encouragement, que j’ai pleinement réemployé pendant mes expériences comme professeur de français en Corée du Sud. Dans ce pays plein de compétition et où souvent l’excellence prime, l’apprentissage d’une langue est un exercice particulier.
Les difficultés d’enseigner le français en Corée
Pour ce qui est des difficultés en enseignant le français en Corée du Sud… Je dirais que les étudiants peuvent être très exigeants et voudraient tout comprendre dès le début de l’apprentissage. Le système éducatif coréen et la course aux diplômes font qu’ils souhaitent parfois aller beaucoup trop vite et espèrent apprendre la langue comme on bachote les maths, en appliquant des formules par coeur. Il m’est arrivé une fois de me trouver face à un étudiant frustré de m’entendre dire qu’une phrase était une exception et qu’il n’y avait pas de raison précise pour que la phrase déroge à la règle.
À l’opposé, une des difficultés de l’enseignement du français en université en Corée était le manque d’investissement des étudiants ; de nombreux cours étant dispensés en coréen dans le département, une fois face aux profs natifs l’effort à fournir semblait trop grand. Il faut aussi noter qu’ils ont certainement eu un intérêt pour le français pour s’inscrire dans le département mais sur le long terme il est peu probable que leur emploi requiert une quelconque compétence linguistique… Leur diplôme sera une ligne sur leur CV, le fait que cela soit en français et dans une bonne université jouera certainement en leur faveur mais ça s’arrête là. L’effort à fournir se trouvait avant le tout premier cours d’université, il s’agissait de rentrer dans cette université qui les mènerait vers un bon emploi après leur diplôme.
Pour obtenir un visa de travail comme professeur de français en Corée (un visa E2), il faut trouver un employeur prêt à vous sponsoriser. Vous devez fournir tout un dossier de candidature, incluant vos diplômes (minimum de niveau licence) apostillés.
Est-ce possible de vivre et enseigner le français en Corée du Sud sans parler coréen ?
Enseigner le français en Corée sans parler coréen
C’est justement ce qui a motivé mon départ en Corée du Sud ; me mettre dans une situation où le recours à l’anglais ne sera pas, ou peu, possible ! À l’université, l’enseignant avec qui je travaillais comprenait un peu le coréen mais ne l’utilisait absolument pas en cours. Les étudiants n’étaient pas débutants mais les cours de ce professeur était un des seuls à être complètement en français – les enseignants coréens passent énormément par la traduction.
Pour enseigner il faut donc mettre des stratégies en place, avoir des sortes de routine pour que les étudiants s’y retrouvent, utiliser le langage corporel, dessiner au tableau… Et lorsque je m’occupais en autonomie de la préparation au DELF A1, je pouvais compter sur l’entraide qu’il y avait entre les étudiants.
À l’Alliance Française de Daejeon, n’utiliser que le français fait partie des choix pédagogiques (sans en faire une règle à laquelle il était interdit de déroger) ; et j’ai donné des cours à des personnes qui commençaient tout juste le français. Les apprentissages se basent beaucoup sur le visuel, les répétitions donc je ne me souviens pas avoir eu de gros problèmes de communication. Il était plutôt question de mettre les élèves en confiance dans la classe pour qu’ils puissent travailler tranquillement. Et je pense que cela ne passe pas forcément par la langue elle-même mais plutôt par l’attitude du professeur, la bienveillance, les encouragements.
Vivre en Corée du Sud sans parler coréen
Pour ce qui est de la vie quotidienne, je dois dire que je suis bien tombée, la ville où j’étais au début était petite, il y avait peu d’étrangers et une bonne humeur ambiante. J’étais rarement seule et mes amis français connaissaient quelques bases en coréen, que j’ai à mon tour très vite apprises. Ça m’aura pris presque 3 mois avant d’être à l’aise pour m’adresser à des Coréens et ne plus craindre de faire des erreurs ou de ne pas être comprise. C’est aussi à ce moment là que mes collègues stagiaires ont quitté le pays, il fallait que je me débrouille par moi même. Mes efforts étaient toujours appréciés des locaux et j’étais très heureuse de pouvoir communiquer, avoir une petite idée de ce qui se disait autour de moi.
Il en a été de même une fois à Daejeon, la ville est plus grande mais les Coréens ne parlent toujours pas anglais. J’ai rencontré parfois quelques soucis (chez l’opérateur téléphonique par exemple) mais j’avais de bons contacts à qui passer un petit coup de téléphone pour me sortir de situations compliquées.
J’ai énormément appris de cette prise de risque en vivant en Corée sans parler coréen, notamment sur ma perception de la progression de mes étudiants, et sur les stratégies que j’avais moi même mises en place. Mais je pense que cette expérience est très spécifique à la Corée et à la région dans laquelle je me trouvais. La population de Séoul sera certainement moins patiente avec les étrangers ou moins encourageante (tout en sachant que le recours à l’anglais n’y est pas plus une option).
J’ai essayé de reprendre mes stratégies au Japon mais mon apprentissage se fait beaucoup moins vite et j’y trouve beaucoup moins de plaisir.
Comment vois-tu la suite de ta carrière de professeur de FLE ?
J’ai un peu de mal à me projeter à l’heure actuelle ; parce que je viens d’arriver dans un nouveau pays dont je connais peu de choses, j’essaie de ne pas me mettre la pression et de prendre les choses comme elles viennent. On verra au fil des mois comment je me sens au Japon. Mais parce qu’il faut bien garder un projet ou un objectif en tête pour avancer, j’envisage de retourner enseigner le français en Corée du Sud. C’est l’unique endroit où je peux vraiment me projeter, à la fois au niveau personnel et professionnel.
En ce qui concerne mon emploi j’aime enseigner, mais je souhaite plus tard avoir d’autres responsabilités et missions. J’aimerais mener des projets interculturels, organiser des évènements pour faire rayonner les cultures francophones ou créer du matériel pédagogique. On verra où l’avenir me mènera.
Si tu avais un conseil à donner à de futurs profs de FLE ?
Je continuerais de transmettre ce qu’un ancien tuteur de stage m’avait dit : diversifier vos expériences lors de vos stages, découvrir différents publics, différents types d’établissements, différents pays et cultures si cela est envisageable. Suivant votre situation, je pense que de faire plus de stages que ne requiert votre formation peut être un bon investissement. La mise en place de l’année de césure dans les universités françaises devraient permettre cela plus facilement que par le passé où il fallait bidouiller avec les administrations pour obtenir des conventions de stage. Saisissez cette opportunité.
Mini bonus (valable pour les stages ou les emplois) : pensez à votre réseau, LinkedIn est une mine d’informations.
As-tu un blog ? des réseaux sociaux ? quelque chose à ajouter ?
J’écris à propos de mes voyages et de ma vie quotidienne à l’étranger sur mon blog Pipelette & Gambettes.
Ces photos de Corée ont été prises par Clarisse et sont sa propriété.
Cet article est un témoignage. Vous pouvez contacter la personne qui vous intéresse si ses informations de contact sont précisées dans l’article. Ce n’est pas la peine de m’envoyer un message, je ne serai malheureusement pas en mesure de répondre à vos questions.
Et pour en savoir plus sur le FLE, ces liens sur le blog satisferont votre curiosité :
– le métier de prof de FLE en résumé
– tous les articles sur le FLE avec des billets d’humeur sur les étudiants ;
– une longue FAQ sur enseigner le FLE ;
– mes conseils pour chercher du travail comme prof de FLE ;
– mon job d’assistante à l’université au Canada avec le CIEP ;
– mon job comme assistante de français au Royaume-Uni ;
– mon parcours ;
– tous les aspects négatifs du métier ;
– un article sur le système scolaire hongrois ;
– un article sur le système scolaire britannique ;
– pourquoi il ne faut pas aller enseigner en Hongrie ;
– salaires et conditions de travail dans le FLE à Paris ;
– pourquoi j’ai arrêté le FLE ;
– des témoignages de profs de FLE en Australie, en Équateur, à Amsterdam,
en Irlande, à Beijing, au Japon, en Corée du Sud et en Afrique.
16 comments
Bonjour, j’aimerais savoir si il était possible d’enseigner en Corée du Sud avec une licence sciences de l’éducation et énormément d’expérience en stage en école maternelle, crèche, élémentaire et lycée. Je parle bien anglais en revanche pas coréen (je le comprends à peu près). Merci !
Bonjour, je suis entrain de faire un master qui à rien avoir avec la Corée du Sud et l’enseignement du Français.
En revanche je suis actuellement en échange universitaire dans une université de Séoul, entrain d’écrire mon mémoire de recherche qui porte sur la Corée du Sud. J’aimerai travailler ici si j’en ai l’opportunité. Si je ne trouve rien dans mon domaine, je suis prêtre à me réorienter. Pour être professeur de Français en Corée du Sud, faut-il obligatoirement un master FLE ou est t’il possible d’y arriver avec un master qui ne touche pas vraiment au domaine? Ou alors connaissez vous des formations qui pourraient completer mes etudes ?
Merci
Est-ce qu’il faut obligatoirement avoir un diplôme en enseignement pour enseigner le français en Corée du Sud ?
En effet, j’ai un diplôme universitaire d’une université francophone au Québec (Canada) mais le diplôme n’est pas en enseignement, mais en droit.
bonjour
Je m’appelle Clémence Caplain j’ai 17 ans et je suis en terminal générale. J’aimerais devenir professeur de français en Corée du Sud.
Je me permet donc de vous contacter pour avoir quelques renseignements si possible.
ma question est la suivante:
Quel école me conseillé vous pour débuter mon apprentissage ?
Sachant que je ne parle pas le Coréen et que je ne sais pas du tout quoi faire après l’obtention de mon bac
Cordialement
Salut Clémence,
Déjà bon courage pour ton bac!
Si tu veux enseigner le français en Corée du sud, tu peux te diriger vers une licence de langue (LEA ou LLCER) qui te permettront d’acquérir une connaissance en langue coréenne. Puis vers un master FLE.
Sinon, tu peux te diriger vers une licence Sciences du langage ou lettres, et prendre des cours de Coréen en institut ou en faisant un diplôme universitaire “langue et culture du coréen” en plus de ta licence. Pour ensuite, faire un master en FLE.
J’espère avoir pu t’aider pour ta recherche!
Bonjour, j’aimerai devenir prof de FLE en corée du sud et j’aimerai faire mes études là bas. Mais je ne sais pas comment faire et je n’ai trouvé aucun article concernant cette orientation. J’aimerai savoir comment trouver une université/fac et quelles sont les options les plus intéressantes pour ensuite trouver un emploi
j’ai une licence en étude française, je peux postuler? ou il faut obligatoirement un master?
La concurrence est forte. Donc, un personne qui a un master sera forcément privilégiée, à une personne qui a seulement une licence. De plus, en licence, il y a peu de cours sur la pédagogie et apprendre à gérer une classe, alors qu’un master apporte un peu plus de pratique.
Bonjour je me permet de vous réponde car vous avez l’air d’en savoir plus que moi haha.
Si je me dirige vers une LEA Anglais Français Coréen, cela suffit-il? Et quel type de master faire ensuite svp ?
Merci d’avance
Avoir une LEA Anglais-français-coréen est forcément un avantage car savoir le coréen et l’anglais est très important. Et si certains peuvent considérés qu’une licence suffit, ce ne sera pas le cas de tous les établissements, de plus tu ne seras pas former. Le mieux est de se diriger vers un master FLE après ta licence. (D’ailleurs la licence trilingue LLCER peut aussi être une solution équivalente à la LEA, avec plus de lien avec l’enseignement, même si la LEA marche aussi).
A savoir aussi une chose : prendre des profs étrangers est plus compliqué que des profs du pays. Donc, il faut prouver que tu as de bonnes raisons pour être prise plutot qu’un autre prof.
J’espère avoir pu répondre à ta question
Est-il compliqué d’enseigner le français en Corée du Sud ? Est-ce que le français est vraiment une langue demandé ?
Ce n’est pas compliqué d’enseigner, c’est d’obtenir les autorisations et le visa de travail qui l’est! Il faut justifier d’un diplôme de master, passer des visites médicales, etc.
D’accord merci beaucoup !
Parce que beaucoup de forums disent que enseigner le français en Corée du Sud est très compliqué car ce n’est pas du tout demandé….
Mon dieu, j’ai enfin réussi à trouver une témoignage sur ce sujet, ça faisait si longtemps que j’en cherchais un !! Vraiment, merci pour ce témoignage, désormais j’ai encore plus envie d’exercer ce métier
C’est toujours aussi intéressant de lire les diferentes expériences des uns et des autres 🙂 excellente rubrique !
Merci !