S’il y a bien un pays qui fait rêver dans l’imaginaire collectif, c’est le Japon. Pour cette septième édition des interviews de profs de FLE partout dans le monde, on va parler d’enseigner le français au Japon.
Une petite présentation ?
Donc moi c’est A. J’ai 27 ans et ça fait un peu plus de 6 ans que je travaille en tant que prof de FLE. Je suis passionnée par la culture japonaise et par les romans de science fiction (les romans dystopiques) et les séries (Handmaid’s tale). Bien sûr, étant prof de FLE, j’adore aussi voyager (normal), découvrir de nouveaux pays et rencontrer des personnes de tout horizon.
Pourquoi as-tu décidé de devenir prof de FLE ?
J’ai décidé de devenir prof de FLE parce que de un j’aime le français (et oui j’adorais lire les romans obligatoire pour les cours de français et surtout les commentaires composés ! Oui je sais, je suis mazo).
Et de deux je voulais absolument aller vivre au Japon, y travailler comme professeur de français et pouvoir y rester. Donc naturellement, j’ai choisi d’aller enseigner le français au Japon (enfin la conseillère d’orientation m’a aidé XD). Finalement, depuis le début de mes études supérieures, je savais ce que je voulais faire et j’ai tout simplement suivi le parcours que l’on m’avait proposé.
Concernant mon parcours, j’ai décidé après mon bac de faire une licence LLCE (Langues Littérature et Civilisation Étrangère) de japonais puis j’ai pris option FLE en troisième année. À la fin de ma licence j’ai décidé de partir au Japon en PVT parce que il faut le dire j’avais un niveau horrible en japonais donc je comptais me rattraper en étant en immersion. Finalement, après mon année à Tokyo, je suis revenue pour faire mon master de FLE en France.
Où as-tu enseigné ? Où es-tu actuellement ?
J’ai enseigné le FLE en Corée du Sud, en France, au Japon, en République Tchèque et en Lettonie. J’ai travaillé dans diverses structures : université, école de langue en ligne ou encore en Alliance Française. Actuellement je travaille au Canada, décision prise après un emploi dans une école de langues à Paris en 2017/18. Je dois avouer que ça ne se passait pas très bien notamment concernant l’organisation. En plus je n’arrivais pas à me (re)faire à la vie parisienne (métro, boulot, métro, dodo).
C’est comment enseigner le français au Japon ? Quelles sont les spécificités du public japonais ?
Le public japonais est assez difficile en ce qui concerne la relation client c’est-à-dire que comme ils ont payé, ils estiment devoir recevoir un service impeccable. Quand j’ai eu mon premier vrai poste de prof de FLE c’était au Japon, j’ai donc eu quelques jours de formation (c’était des cours privés en ligne donc plus facile que des cours dans une école). Ma patronne insistait beaucoup sur le fait de sourire (pendant 1h non-stop) et de dire ‘très bien’ pour tout (dès que l’élève faisait une phrase un ‘très bien’ devait être prononcé), d’ailleurs j’ai gardé cette habitude!
J’ai compris que si on ne faisait pas tout pour satisfaire les clients, c’était difficile de les garder. Mais bon, ce n’était pas si compliqué en soit (il est difficile de rester de bonne humeur et garder un sourire 24h/24 mais on s’y fait).
La plupart des apprenants japonais que j’ai eus ont toujours été très sérieux (oui le stéréotype des Japonais travailleurs est vrai !) mais, bien sûr, j’ai eu également des élèves moins motivés. Cependant dans l’ensemble c’était toujours agréable de travailler avec ce type de public.
C’est difficile d’apprendre le français pour un Japonais ?
Il faut savoir que la prononciation du français est assez compliqué pour un Japonais, je pense qu’il faut bien prendre le temps de travailler dessus quand on commence avec des débutants. Après quand ils n’ont pas appris une langue étrangère de type romane, ils ont également des difficultés avec la grammaire et plus précisément la construction de la phrase (le japonais est une langue où le verbe par exemple est situé à la fin d’une phrase). Le japonais est une langue simple grammaticalement (pas ou peu de temps, pas de masculin/féminin, pas de prépositions etc..) donc c’est parfois difficile d’expliquer certains points. Mais en général les étudiants japonais (s’ils sont motivés) n’ont pas beaucoup de problèmes pour apprendre.
Enfin, il faut savoir (je parle principalement pour les cours en groupe) qu’un apprenant japonais ne veut pas être irrespectueux envers son professeur c’est pour cela qu’il ne pose presque jamais de questions et ne prend pas librement la parole. Il faut pousser les étudiants japonais à parler en cours et surtout vérifier s’ils ont bien compris (il m’est souvent arrivé de demander si ça allait, on me répond oui, j’insiste et finalement on m’avoue que non ! Donc insistez sur le « ça va ? Vous comprenez ? » etc.!)
Comment tu vois la suite de ta carrière ? Tu voudrais retourner enseigner le français au Japon ?
J’aimerais retourner enseigner le français au Japon et m’y installer définitivement. Néanmoins, comme ce pays est extrêmement populaire en ce moment, c’est quasiment impossible de trouver un poste dans le FLE au Japon sans relations. Relations que je n’ai pas, donc je pédale dans la semoule.
Si tu avais un conseil à donner à de futurs profs de FLE ?
Mon conseil c’est changez de carrière tant qu’il est encore temps ! Je plaisante ! Enfin à moitié… Il faut savoir que le statut de prof de FLE est précaire dans le monde entier (les salaires sont mauvais, les horaires horribles et on a peu ou pas d’assurance et d’avantages sociaux) – allez voir les offres d’emploi sur fle.fr pour vous faire une idée des conditions.
Les meilleurs postes sont dans les universités et/ou dans les Instituts Français mais c’est grâce aux relations que l’on y accède. Je ne veux pas plomber l’ambiance mais il faut être réaliste. Si vous aimez enseigner et que c’est une passion, accrochez-vous ! Si c’est pour voyager, changez d’idée, vous allez détester !
Cet article est un témoignage. Vous pouvez contacter la personne qui vous intéresse si ses informations de contact sont précisées dans l’article. Ce n’est pas la peine de m’envoyer un message, je ne serai malheureusement pas en mesure de répondre à vos questions.
Et pour en savoir plus sur le FLE, ces liens sur le blog satisferont votre curiosité :
– le métier de prof de FLE en résumé
– tous les articles sur le FLE avec des billets d’humeur sur les étudiants ;
– une longue FAQ sur enseigner le FLE ;
– mes conseils pour chercher du travail comme prof de FLE ;
– mon job d’assistante à l’université au Canada avec le CIEP ;
– mon job comme assistante de français au Royaume-Uni ;
– mon parcours ;
– tous les aspects négatifs du métier ;
– un article sur le système scolaire hongrois ;
– un article sur le système scolaire britannique ;
– pourquoi il ne faut pas aller enseigner en Hongrie ;
– salaires et conditions de travail dans le FLE à Paris ;
– pourquoi j’ai arrêté le FLE ;
– des témoignages de profs de FLE en Australie, en Équateur, à Amsterdam,
en Irlande, à Beijing, au Japon, en Corée du Sud et en Afrique.
5 comments
J’adore l’honnêteté de ton conseil! J’ai arrêté d’enseigner le FLE exactement pour ces raisons : un statut très précaire, des horaires horribles et un mauvais salaire. Je trouve ça difficile à avouer par contre, souvent mes amis ne comprennent pas, ceux qui ont la vocation, qui jouissent de la prestance du statut (souvent ce sont les fonctionnaires) me pensent folle. Je me pose encore la question, régulièrement : est-ce que ça me manque ? Oui et non. Je n’ai toujours pas trouvé une profession qui me permette de rencontrer autant de gens différents et de culture différentes. Mais je pense qu’être enseignant de FLE, c’est bien quand on est jeune, en forme et sans vie de famille. Après, il faut trouver autre chose.
L’une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté d’enseigner au Canada, c’est justement ce statut précaire. C’est dommage… (payez les profs, amis gouvernementaux!)
Moi j’adore cette rubrique, c’est celle que je préfère dans ce blog, lire les différentes expériences des un(e)s et des autres, est moi très enrichissant !
** est pour moi
Article qui tombe à pic alors que je ça fait maintenant 6 mois que je suis au Japon ^^
C’est intéressant de mettre des mots sur mes quelques observations et de pourquoi j’accroche bien avec les étudiants. Et en même temps je suis surprise de d’autres commentaires.
Notamment sur le fait que les places en IF sont parmi les meilleurs (les contrats à temps partiel sans sponsoriser les visas ça me semble tendu au Japon)