Ça va faire neuf mois que je suis arrivée en Australie. Neuf mois que je travaille de façon déclarée, paye mon loyer et les transports publics, fais mes courses, sors boire des cafés. Ça vous semble une vie normale n’est-ce pas ? Ce n’est pas pourtant pas du tout le quotidien de certains backpackers en Australie.
Backpacker, c’est le nom qu’on donne à tous ces jeunes venus en Australie, en PVT / WHV.
Le PVT Australie
J’en ai déjà parlé dans cet article sur mes hésitations sur partir ou rester à Melbourne : le Working Holiday Visa australien est une chance incroyable, comme tous les PVT en général d’ailleurs. Après un questionnaire sur vos projets et votre état de santé, pour environ 200 euros, vous obtenez quelques heures plus tard le sésame dans votre boîte mail : le droit de vivre et de travailler partout en Australie pour douze mois à partir du jour où vous posez le pied sur le territoire.
La seule restriction du PVT Australie ? Il n’est pas possible de travailler plus de six mois pour le même employeur, sauf secteurs spécifiques. Les seules recommandations ? Avoir une assurance santé souscrite en France avant votre départ et pour gérer vos premières dépenses posséder 3 500 euros sur votre compte en banque (ce qui représente en moyenne 5000 dollars australiens selon le taux de change).
En 2014, d’après un rapport lu sur le site australien du Ministère de l’Immigration, 250 000 visas ont été accordés. Les Britanniques arrivent en tête avec 38 000 voyageurs, suivis par les Allemands (25 000) et les Français (23 000). On trouve ensuite les Coréens, Taïwanais et Italiens. Les chiffres se maintiennent depuis, en tous cas jusqu’en 2019.
Vous savez déjà sûrement tout ça. Vous n’ignorez pas non plus qu’une grande partie de ces Français backpackers en Australie ne parle presque pas anglais, mais le baragouine approximativement – et l’accent australien n’est pas le plus simple pour commencer un apprentissage. Prendre des cours ? Ca coûte trop cher pour les pvtistes souvent persuadés de trouver un emploi dans leur domaine de compétence sans maîtriser la langue de travail ni les codes locaux.
Je ne suis pas prof de langues pour rien, je reconnais les limites du système scolaire français. Mais à l’ère d’Internet et des smartphones, il n’y a plus vraiment d’excuses pour ne pas se mettre à niveau en anglais en venant vivre dans un pays dont c’est la seule langue.
Le comportement des backpackers en Australie
Mes réflexions aujourd’hui sont nées de la lecture des groupes “Français à… Melbourne/Sydney/Perth/Cairns/Brisbane etc” qui pullulent sur Facebook.
“On m’a refusé un job de serveur/se car mon anglais n’est pas bon” “comment je peux trouver du travail sans parler anglais ?” “quelqu’un peut rédiger ma candidature à ma place ?”
Et je vous épargne les fautes d’orthographe.
Vous êtes arrivés en Australie, vous cherchez donc du travail. Comme tout immigrant en bas de l’échelle il faut commencer par des petits boulots. Fréquents sont les messages de gens qui revendiquent mentir sur leur CV.
“J’ai un essai comme barrista mais je n’ai jamais fait un seul café, que faire ?”. Ici le café est une religion et doit avoir un dessin, le plus sophistiqué possible. Une amie a récemment perdu un job en partie à cause de son manque de formation en mousse de lait !
En même temps, on peut louer la confiance de certains employeurs. Beaucoup de mes copines n’ont jamais été serveuses, mais, sans forcément mentir, on leur a donné leur chance et permis de faire leurs preuves. Cette mentalité où les diplômes ont moins d’importance qu’un essai en situation est indéniablement un aspect positif de ce pays. Ne pas déclarer les serveurs et les payer à peine le salaire minimum, ce n’est pas la faute des backpackers en Australie mais bien celle des employeurs qui profitent du système et d’une main d’oeuvre corvéable à merci qui ne peut pas se plaindre tant que les boulots se font rares.
Pour aller travailler, il y a des chances que vous deviez prendre les transports. Leur coût abusif incite de nombreux Melbourniens à utiliser leur vélo tous les jours mais… Il est très facile de frauder dans le tram. Pourquoi payer $3,78 par trajet alors qu’il suffit de rentrer par les portes arrières et ne pas badger sa carte ? Il y a même d’autres techniques pour éviter les amendes lorsqu’elles tombent – $75 si payée tout de suite, plus de $200 en différé – mais je suis trop honnête pour vous révéler ces combines probablement connues de tous.
J’ai l’impression que la liberté nouvellement acquise loin de la France et ses carcans, loin des siens, loin des on-dits, dans un pays où les apparences ne comptent pas et où personne ne vous juge peut vite devenir grisante. Mais même si nous sommes à l’étranger, il me paraît tellement évident de respecter les règles du pays qui nous accueille. J’en suis à ma quatrième expatriation (Angleterre, Îles Anglo-Normandes, Canada) et je n’ai vu ça qu’ici.
Une autre question récurrente sur le net est : “est-ce que je dois payer mes amendes de stationnement puisque je ne suis pas d’ici ?”. Certains quittent le pays avec des milliers de dollars de dettes. Sans commentaires.
Récemment, il y a eu le cas du French shopping et de la lettre du consul de France appelant ses concitoyens au respect des lois australiennes. Je pense que la situation a été exagérée mais les vols à l’étalage sont en hausse, surtout pour l’alimentation et les backpackers français sont pointés du doigt. Pourquoi payer quand on ne risque rien ?
Le French shopping serait le nom donné pour cette nouvelle façon de faire ses courses. J’en ai parlé autour de moi, le terme n’a pas percé. Mais par contre j’ai constaté de nombreux cas de “French not welcome here”, surtout sur le site de Couchsurfing lorsque je recherchais des hôtes pour mon voyage sur la côte Est. Une mauvaise réputation semble nous précéder. Les mauvaises actions d’une petite partie pénalisent tout le monde.
Sur les groupes Facebook, on voit souvent des avis de recherche et des appels à l’aide. “On nous a volé notre van” “nos plaques d’immatriculation ont disparu pendant la nuit” “on nous a arnaqués de deux mille dollars” “mon colocataire a volé mon ordinateur en partant”…
Pourquoi ? Pourquoi est-ce que dans la cuisine de l’auberge de jeunesse à Cape Tribulation le sac de petit déj de ma copine Aurélie a été volé ? On est tous dans la même galère, tous des backpackers, qu’est-ce qui permet à certains de faire ce genre de choses ? Je n’ai pas de réponse…
Ceci est bien sûr un portrait négatif. Il y a évidemment des backpackers en Australie qui respectent leur pays d’accueil, payent ce qu’il y a à payer, ne fraudent pas, ne volent pas leur prochain. Je vous fais simplement part de mon ressenti subjectif… Mariel, installée en Nouvelle-Zélande avec sa famille, avait aussi partagé son point de vue sur les backpackers sur son blog, allez voir !
22 comments
Hello,
Ça fait plus de 10 ans que j’ai découvert l’Australie et 10 ans cette année que je m’occupe de renseigner les backpacker qui s’y rendent. J’ai été touriste, étudiant, WHV, sponsorisé et puis, à force d’aider les autres, j’en ai fait mon boulot (accompagnement, pack, formations, etc.).
J’ai toujours pris le temps d’informer, d’éduquer, d’expliquer et de sensibiliser, mes amis, mes contacts, mes clients à ce qu’est l’Australie. Mais maintenant, une nouvelle tendance a émergée, l’information (ou désinformation) en temps réel avec les groupes Facebook notamment. Du coup les mauvaise habitudes circulent très vite, les informations se basent sur du “je crois” et du “on dit que”, on se fait servir et on ne cherche pas à comprendre. Du coup on fait des erreurs que l’on n’est pas prêt à assumer.
Je suis d’accord avec ton article (que j’ai un peu trouvé par hasard) et je pense qu’il n’est pas trop tard pour batailler contre cette tendance, cette réputation, le french shopping, etc. Je pense que l’Australie a beaucoup à offrir, à tous.
Cela dit je n’ai jamais expérimenté de problème particulier du fait d’être français. Peut être par ce que je maitrise la langue et comprend les australiens, je ne sais pas. Mais ce qui est certain c’est que régulièrement nous ne relayons et donnons de l’importance à ce qi est négatif. Par exemple le French Shopping est une expression que j’entends toujours de la bouche des français, jamais des Aussies.
A nous de faire le premier pas et à nous de montrer l’exemple.
Ton article et ton approche sont intéressants, merci de les avoir partages avec nous ! 😉 Cheers
Article intéressant. Les backpakers dans mon coin reculé j’en voit trés peu finalement! Mais je tiens à dire que la description que tu en fait est exactement celle que l’on faisait des Français en Grande Bretagne il y a 20 à 30 ans! Les distances sont effacées, les mauvaises manières voyagent plus vite!
J’attendais ta réaction ! Je pensais bien que vous ne les croisiez jamais. Par contre pour l’Angleterre je ne savais pas, la démocratisation du voyage a du mauvais finalement !
Merci pour cet article très intéressant et révoltant en même temps.
Merci Miss C !
moi qui croyait que c’était une évidence dans un pays étranger on s’adapte aux lois de ce pays,
Pas pour tout le monde malheureusement !
C’est super intéressant comme article !! C’est vrai que le “je ne suis pas d’ici” est assez pénible.
Dès que je croise des français ici, il me sorte qu’ils ont pleins d’amis et qu’ils sont tous français au final. Et tu m’étonnes qu’ils arrivent pas à aligner deux mots…
Je pense juste que c’est normal de devoir respecter les règles du pays. J’ai toujours trouvé ça génial qu’il y est des accords entre pays pour que nous puissions voyager partout. Il faut en profiter et surtout ne pas balancer cette chance aux oubliettes … 🙂
Le comportement “restons entre nous” est très Français mais finalement les Allemands/Italiens/Sud-Américains font la même chose… les anglophones aussi ! c’est dommage mais je n’ai pas de solution !
Je comprends tout à fait ton ressenti… L’Australie est un pays qui me tente beaucoup, mais le grand nombre de Français s’y trouvant en PVT et l’attitude de beaucoup d’entre eux m’empêchent clairement de sauter le pas. J’ai un peu honte, parfois, quand je vois comment se comportent mes concitoyens… Pour beaucoup d’entre eux, c’est juste 1 an de vacances ou tout (ou presque) est permis. Par contre, je me demande pourquoi, alors qu’il y a des PVT dans de + en + de pays, ce genre de comportements est vraiment symptomatique de l’Australie et de la NZ ?
C’est une bonne question ! Je pense parce que certains pays sont plus sélectifs (comme le Japon ou l’Argentine qui requièrent un projet et un rendez-vous à l’Ambassade) et que les gens qui partent pour le Canada sont dans une optique professionnelle plutôt que de découvertes/vacances/année sabbatique. Il y a aussi moins de répression ici j’ai l’impression.
Oui, tu as sans doute raison… L’Australie, de par ses plages, sa qualité de vie, son climat, fait tellement destination de vacances… Partie comme je suis, je pense que je tenterai de m’expatrier là-bas quand le PVT n’existera plus 😛
Oui c’est assez pathétique… Et j’avoue que certaines incivilités rendent les excursions dans les coins touristiques assez pénibles. Les vols dans les backpackers, c’est assez courant (en NZ aussi d’ailleurs). Personnellement, j’ai été assez écœurée par le nombre de personnes qui trichent pour l’obtention du 2ème WHV. Mais c’est sûrement dû aux difficultés que j’ai rencontrées à pouvoir y retourner. Aujourd’hui l’Australie est de plus en plus draconienne en matière d’immigration (y compris regroupement familial). No wonder why ?…
D’ailleurs, y retourner, c’est un projet pour vous ?
Les arnaques au second visa sont effectivement un fléau mais quand on voit les conditions… il y a une annonce sur FB en ce moment : “ferme blablabla camping possible mais toilettes et douche à cinq minutes en voiture”. Et pourtant il y a des dizaines de réponses de gens prêts à tout pour rester…
très très intéressant, ton article! j’avais aucune idée de cette espèce de “tendance”, c’est assez sidérant.
Le truc des Français qui arrivent en parlant très mal anglais, je me demande s’ils ont pas l’impression qu’ils vont progresser ultra rapidement en quelques semaines et qu’ensuite ils pourront trouver du travail sans souci. En fait, je me demande à quel point les gens se renseignent avant de partir et s’ils sont pas un peu bercés d’illusions sur certains points.
Ca ne m’étonne pas que tu ne savais pas, c’est vraiment quelque chose qu’on découvre en arrivant ici loin des reportages “Australie, le nouvel Eldorado” de la télé française. Les gens qui partent en PVT au Canada et ici sont dans deux optiques différentes.
Mais ton dernier point, c’est exactement ça… j’adore les messages sur ces groupes du type “comment prendre le bus” ou “où trouver Carrefour” (authentique)
Je suis sideree par ce comportement. Quelle description de la France :/
Eh oui ! Bien sûr tous les Français ne se comportent pas comme ça et certains Allemands/Italiens etc. font la même chose mais il est plus facile pour moi de remarquer mes compatriotes…
merci pour le lien 🙂
ici il y a eu un soucis il y a pas longtemps avec un free camping. Des jeunes en van qui ont foutu un bordel monstre… Pas que des francais, c’est sur, mais quand on est francais c’est ceux qu’on remarque le plus. Quand c’est un italien qui se fait remarquer, je me sens moins honteuse que quand c’est un francais.
La petite anecdote dernierement: une nana qui ralait parce que son salaire etait taxé a 15% et qui demandait comment recuperer ces taxes (une partie l’est). Quand tu sais qu’en France tu es taxé a 23% avant impot (la on parle de 15% impot compris).
Bref, clairement, beaucoup de ces backpackers sont des gamins. IL y en a beaucoup de mignons, mais il y en a quelques uns qui sont de vrais tetes à claques.
Exactement ! Ici les non-résidents peuvent récupérer 100% de leurs taxes après leur départ. Ca ne me gênerait pas d’en laisser une partie, on utilise bien les infrastructures mises à disposition – sauf la santé. Certains pays ont dans leur accord de WHV l’utilisation de Medicare, la sécurité sociale australienne, mais pas la France !
J’ai apprécié lire ton article car je suis actuellement backpacker en Australie depuis 5 mois.
Je voudrais juste dire que même si on dit french shopping il n’y a pas que les français qui le pratique (je ne l’ai jamais fait et je ne le ferais jamais pour ma part). J’ai rencontré pas mal d’italiens ou allemands (bon des français aussi) qui volaient à l’étalage.
On vit en colloc à Melbourne, nous sommes les seuls français, et nous avons souvent de la nourriture volée dans notre frigo …
Par contre je suis d’accord avec toi sur le fait qu’on arrive dans un pays et que c’est à nous de nous adapter, donc progresser en anglais et payer nos factures.
Bonne journée
Laura
Merci pour ton petit mot Voisin ! Effectivement, les autres Européens sont à mettre dans le même panier mais je t’avoue que dans le tram ou sur Internet, je ne comprends que le français… d’où ma généralité. C’est moche pour la nourriture dans votre propre maison ! j’espère que ça va s’arranger. Bonne soirée à toi aussi 🙂