Dans deux semaines, un dimanche d’avril, je serai partie, les valises finies, après un dernier trajet vers Roissy. Dans deux semaines, je prends l’avion pour le Canada. Et comment vous dire ? Je ne réalise pas du tout.
C’est la première fois qu’un départ est aussi intangible. Même si c’est mon… sixième (!). Peut-être parce que le temps de préparation a excédé celui de tous les autres ? Il y a de l’impatience autour et surtout de l’envie. Mais même annoncer à la cantonade “ah oui je ne reviens pas, je pars au Canada” dans la salle des profs n’ancre pas le fait dans la réalité. Envoyer des SMS “on se voit avant mon départ ?” non plus.
La tournée des au-revoirs a commencé, sur des quais, dans des rames de métro, entre deux courants d’air. Derniers hugs car je ne sais pas du tout quand je reviens et parce que je m’étais habituée à passer du temps avec les gens. Après cinq ans à ne voir ses amis qu’une seule fois par an entre deux tasses de thé parce qu’il n’y a pas le temps de plus, c’est étrange de les avoir juste à la portée d’un message, à quelques stations de métro. Encore pire pour ma famille.
Mais dans deux semaines c’est terminé. 14 jours.
On me demande quotidiennement “tu es prête ?” et ses variantes “comment tu te sens ?” “qu’est-ce qu’il te reste à faire ?” et je n’arrive pas à répondre à ces questions, même avec leur bon fond. Je ne sais pas quoi dire. Et ça ne servirait à rien de lister des adjectifs.
Sur Twitter, j’ai mis des emoji.
J-14 : ma vie ces prochains jours va ressembler à ☕️
— Kenza (@cupsenglishtea) 26 mars 2017
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En vrai, j’ai peur. Quand j’y pense, j’ai une boule de stress dans le ventre.
J’ai quitté le Canada il y a presque trois ans, en pleurant. Et je me suis promis d’y revenir. Mais j’ai changé depuis, et lui aussi je suppose, je ne sais pas comment je vais le retrouver. (Oui, Canada au masculin. Pour moi, le Canada est un homme un peu viril, fort et protecteur à la fois, qui me prend sous son aile. La Hongrie était une petite vieille aigrie prête à m’attaquer avec son sac à main. Jersey une jeune fille aguichante mais un peu fausse, prête à faire la fête comme à trahir)
Je me fais des films sur tout ce qui pourrait se passer de travers. Oublier quelque chose. Que la visite médiale n’ait pas été enregistrée dans le système. Que l’un des vols ait un problème, retard ou annulation. Qu’il y ait un souci avec mon PVT. Que mes bagages ne suivent pas. C’est complètement irrationnel mais je n’arrive pas à m’en empêcher.
Et quand ces craintes-là se taisent, d’autre viennent les remplacer : et si j’avais du mal à trouver un logement ? et si mon travail ne me plaisait pas ? et si mes amis ne me refaisaient pas de place dans leurs vies ? et si j’étais trop seule ? et si je n’aimais pas Winnipeg ? et si le Canada me décevait ?
Il ne faut pas mais je vois vraiment ce départ comme un renouveau. L’occasion de re-devenir moi-même, la Kenza d’avant, celle qui disait oui, sortait, allait vers les autres. Pas celle qui s’est renfermée, voire enfermée, s’est presque mis à détester son travail. J’essaye de ne pas trop imaginer le quotidien mais je le veux différent. Il est difficile de ne pas se mettre la pression, entre action et anticipation. J’ai tellement peur d’être déçue.
En fait je réalise LE rêve ultime, ce que je voulais le plus chèrement au monde sans oser vraiment me l’avouer, avec LE job que je pensais ne jamais avoir. Une fois, il y a trois ans, quand fin mars il faisait encore -35, on était allées faire du shopping à Winnipeg. On avait dormi dans ce quartier et on avait été prendre le petit déjeuner dans le Tim Hortons en face de l’Alliance. Je ne me souviens plus si j’avais dit tout haut à mes copines qu’un jour, je travaillerai là. Et ce jour est arrivé.
Je vais devoir trouver un équilibre entre idéalisation et lucidité, entre inquiétude et impatience, rédiger de jolies listes avec des items à barer au fur et à mesure des préparatifs. J’ai peur mais j’ai aussi autant hâte.
C’est le moment des derniers. Mais bientôt il y aura de nouveau premiers.
46 comments
“En fait je réalise LE rêve ultime” : bah voilà c’est pour ça 😀
C’est marrant j’ai l’impression de lire ce qui se passait dans ma tête avant de partir en Ecosse (et pourtant c’est juste à côté 😀 )
Je suis sûre que tout va bien se passer !!!
Oh je ne savais pas que tu avais vécu en Ecosse ! c’était quand et tu faisais quoi ? tu y es restée longtemps ?
C’était l’année dernière juste après San Francisco (où j’étais partie les doigts dans le nez d’ailleurs comme quoi!). Je suis free-lance (enfin j’essaie ) donc je peux travailler partout où il y a internet (ce qui inclus mon lit, en pyjama, en regardant Gulli)
Bons derniers préparatifs alors ! Et bonne installation canadienne 🙂
Merci !!!
Go go go Kenza !
Moi je pleure la veille de chaque départ (oui surtout les départs pour un mois), en imaginant le pire du pire du pire et en étant convaincu que je ne saurai absolument pas m’en sortir et que quelqu’un aurait du intervenir pour m’empêcher d’acheter mon billet d’avion.
Et ensuite, je pleure dans le taxi/train/métro qui me conduit à l’aéroport. Je crois que j’ai besoin de ça pour évacuer et être ensuite au top.
Et winnipeg, ça me donne vraiment envie de venir te voir !!!! (bon en vrai il y a tellement d’endroit que j’ai envie de voir)
Je ne pleure jamais 🙂 plutôt en partant ! Où que je sois, ma porte te sera toujours ouverte 🙂
Je ne commente pas toujours mais te lis souvent. En lisant tes J- pour le Canada, j’ai l’impression d’avoir des papouilles dans le ventre. C’est bon signe je trouve, j’ai l’impression de lire un bouquin ou de regarder une série et de me dire : “can’t wait, je veux la suite” !
Comme on le dit souvent : “tu sais ce que tu quittes, tu ne sais pas ce que tu vas trouver”. Je pense que dans ton cas, tu sais ce que tu vas retrouver. Alors oui, peut-être que certaines choses ont changées mais je pense (en mon fort intérieur) que tu t’y re-plairas.
Plein de belles choses pour la suite et hâte de te lire encore encore et encore
Merci Holy <3
Ohhhh comme cet article semble familier. Je suis revenue a Toronto après 20 mois en France. Meme angoisse: et si j’avais idéalise le pays, et si j’étais déçue, et si j’ai un problème avec mon PVT a l’arrivée et si … Mais tout va bien se passer.
Profites des 2 prochaines semaines, ca passe tellement vite.
Hey Astrid, welcome here! Je pense que notre cas est un peu différent, puisqu’on revient justement, on n’a pas les mêmes attentes ou craintes que quelqu’un qui part pour la première fois 🙂 mais ça va le faire j’en suis sûre !
Bon courage pour cette nouvelle aventure !! J’imagine que c’est normal d’avoir peur, qu’on soit déjà parti ou non ! Profites bien 🙂 (et hâte de suivre ton expérience) des bisous
Merci beaucoup Lison, j’apprécie ton joli commentaire ! Je ne manquerai pas de profiter et tout raconter 🙂
Moi, cet article il m’a serré un peu l’estomac, parce que c’était chouette de t’avoir effectivement à la portée de quelques sms et métros <3
roh… mais à tout à l’heure !!
Bon voyage, si vous partez au Canada , vérifiez bien le statut de votre AVE avant de partir à Roissy. Pas d’AVE pas d’avion, j’ai failli me prendre un rateau le mois dernier 😀
Mon AVE est inclus dans mon permis de travail mais merci !
Je te souhaite plein de bonnes choses pour cette nouvelle expatriation et j’ai hâte de suivre tes nouvelles aventures ici !
Merci beaucoup Aurore !
Chère Kenza, je suis sûre que tout va bien se passer. Et si ce n’est pas le cas ? Tu rebondiras j’en suis persuadée. Tu es une femme forte et courageuse, intelligente. Le Canada c’est ton pays de coeur, ton coup de foudre sur la Terre. Alors pense que tu vas rejoindre l’amour de ta vie. Et il y aura des petites déceptions car rien n’est parfait, mais cela ne sera pas grave. Parce que la vie est ainsi 🙂 Je te souhaite tout le bonheur du monde à Winnipeg. 🙂 Grosses bises du Var <3
Tu es TROP mignonne <3
C’est marrant, j’ai vraiment l’impression de me lire il y a un mois !
Pour les questions en vrac, j’avais les mêmes dans la tête.
Maintenant pour les doutes, restons pragmatiques:
“et si j’avais du mal à trouver un logement ?” -> hahaha, no way 😛
“et si mon travail ne me plaisait pas ?” -> facile, tu en retrouves un autre. Avec tout ce changement, le travail devient vraiment secondaire.
“et si mes amis ne me refaisaient pas de place dans leurs vies ?” -> ce serait difficile à imaginer, mais on s’en fait aussi de nouveaux amis.
“et si j’étais trop seule ?” -> ramène une bouteille de vin, y a du monde pas loin 🙂
“et si je n’aimais pas Winnipeg ? et si le Canada me décevait ?” -> ce serait le problème “le moins pire.” Tu saurais ce qu’il te reste à faire.
Allez fais tes bagages, Winnipeg t’attend !
J’arrive, j’arrive !
Ouh la la, 15 jours déjà, mais c’est que je n’avais pas vu le temps passer ! Plein de bonnes ondes pour cette dernière quinzaine, pour le vol, les bagages et tout le reste. Et ensuite un jour après l’autre, et ta place tu te la fera à Winnipeg, sans urgence puisque maintenant tu as tout le temps que tu veux pour le faire…
Presque tout le temps :p le visa est de deux ans, le truc ça va justement d’être de le transformer 🙂 je t’envoie des bises !
Bon courage, tres content pour toi et je comprends parfaitement tes ressentiments. Je suis sure que tu seras comme un poisson dans l’eau a Winnipeg et j’espere que je pourrai compter sur tes conseils et me montrer le bon plan quand je serai a Winnipeg 🙂
J’espère aussi et oui on reste en contact !
super article, tout est dit :))
Merci beaucoup Justine !
J’aime beaucoup la personnification que tu fais de chacun de tes pays d’accueil. C’est très intéressant et poétique. Comment vois-tu l’Australie du coup?
Justement, j’y ai réfléchi mais je n’arrive pas à me décider…
Tu l’as tellement aime ce Canada que tu as peur d’être déçue. Mais ca va le faire, ca va aller! Tu es prete, tu as l’habitude des surprises, des voyages. Keep cool 🙂
Oui, tu as raison, je crois que je suis prête !
Bon courage pour ce retour au Canada tant attendu!
Attendu, c’est bien le mot 🙂
Oh, I feel for you, moi qui ne supporte pas les au revoirs et les “derniers”! Même quand c’est pour un projet positif, ces transitions me font peur. Par contre, une fois dans l’action, tout roule… c’est juste cet entre-deux bizarre que tu décris qui me met mal à l’aise.
Bonne chance!
Pareil que toi, l’entre-deux est assez bizarre. Et je réalise TOUJOURS PAS !!
Ça y est, c’est la dernière ligne droite pour toi avant le Canada. Profite bien de ces derniers jours !
Merci beaucoup Tameï ! Et je crois que je ne t’ai pas encore félicitée pour ton nouveau travail… ? 🙂
Merci, c’est gentil 😉
Créer quelque chose entre l’idéalisation et la vie de tous les jours, ça peut être difficile, mais je crois que lorsqu’on part avec cette conscience que oui, on part d’un rêve pour s’ancrer dans une réalité, c’est déjà bien plus facile de faire le lien. Je pense, à titre personnel, que ce moment où l’on construit notre nouvelle vie quotidienne, en mixant rêves, attentes, réalité, est le meilleur moment d’un projet. Celui où il devient vraiment notre. Y’aura sans doute de petits couacs à des moments, c’est toujours comme ça, mais je suis certaine que tu vas adorer cette nouvelle vie parce que tu la veux 🙂
Ps: ta phrase de conclusion, c’est tellement ça!
Ton commentaire gère ! Ca va effectivement être une question d’équilibre.
quelle excitation
courge dans cette dernière ligne droite
Courage, pas trop, organisation plutôt 😀
Ce sera un plaisir de suivre ton départ au Canada merci de nous faire voyager avec toi! Ça vaut ce que ça vaut mais je pense que tu retrouveras l’ancienne Kenza là bas… Notre environnement influe sur nos personnalités ! Je suis quelqu’un de très timide dans la vie de tous les jours et pourtant je deviens très autonome dès que je suis dans un environnement anglophone j’espère donc que le Canada te permettra de t’ épanouir !
Merci pour tes gentils mots Ségolène et tout ton premier commentaire ! Je suis d’accord avec ce que tu dis sur l’environnement et la personnalité 🙂